mercredi 26 novembre 2008






« Last Chance to see the Show »


















« Exposition : Dans le vocabulaire de la dramaturgie classique, l’exposition est le début d’une pièce de théâtre, dans lequel le spectateur est mis au courant de la situation où se trouvent les personnages au moment où la pièce commence. (…) L’exposition est donc due au fait que le commencement de la pièce dans le monde des spectateurs est précédé dans le monde de l’œuvre de tout un passé diégétique, dont la connaissance peut être nécessaire pour comprendre ce qui se passe.»
Etienne Souriau, Vocabulaire d’esthétique, 1990.

À l’heure où les pratiques curatoriales se renouvellent, où le commissaire d’exposition est particulièrement mis à l’honneur, où la production d’œuvres d’art est de plus en plus déléguée et où la réussite semble davantage liée à une pratique sociale qu’à des savoir-faire techniques, Last Chance to see the Show s’attache à « exposer » ce qui reste habituellement caché, ce qui a lieu, hors champs, dans les marges d’une manifestation.
Proposé par Christian Alandete et Esther Lu dans le cadre du projet Hot Desking* - événement satellite de l’exposition The Rest of Now de Raqs Media Collective pour la Biennale Européenne d’Art Contemporain Manifesta 7 (Bolzano, 2008) -, ce « one day show » in progress convie le spectateur au sein d’une coulisse fictive dans laquelle se montent et se démontent les œuvres et s’inventent de nouvelles stratégies de communication.
Attablé près des baies vitrées, l’artiste allemand Oliver Laric entame un tchat avec Andy Warhol via l’intermédiaire d’un médium. Interviewée dans un coin par un journaliste, l’artiste belge Agnès Geoffray raconte l’éveil de son intérêt pour la sphère artistique, le jour où son frère et ses parents furent tués, écrasés par l’un des éléments d’une structure de Chris Burden accidentellement détaché et projeté dans les airs. Après maints et maints entraînements, la suédoise Saskia Holmkvist retrace brillamment les grandes lignes de sa carrière tandis que Loreto Martinez Troncoso, célèbre pour ses traductions maladroites, peaufine son discours. Au centre de l’espace d’exposition, en plein cœur de cette effervescence, John Cornu s’ingénie, quant à lui, à déployer une prolifération de tubes chromés à la manière d’une vigne vierge synthétisée. Réalisée via un principe modulaire, l’intervention se structure dans et pour le lieu tout en conservant sa dimension transportable. À sa gauche, absorbés dans leur tâche fastidieuse, les assistants d’Yngvild Rolland clouent sans relâche les quelques 2500 clous nécessaires pour produire trois fois le mot « FASTER ». Apposé sur le mur adjacent le petit cartel de Tomo Savic-Gecan informe le visiteur de la progressive dévaluation de l’œuvre d’art le temps de son exposition tout en attirant l’attention sur l’œuvre presque invisible d’Estefania Peñafiel Loaiza. Intitulée « Mirage, ligne imaginaire », celle-ci vise à rappeler, à l’aide d’un long trait de gomme, la manière totalement arbitraire dont fut décidé l’emplacement de la ligne « d’équateur ». Évoquons encore le film en deux parties de Jorge Pedro Nuñez, Laetitia Badaut et Natalia Marrero qui propose un collage de scènes de films reprenant différents types de discours sur l’Art ou la grande vanité agencée par Eric Stephany, dans son studio, à l’aide de matériaux de construction collectés dans les rebuts du célèbre cabinet d’architecture qui l’emploie.
Arrivée au terme de ce compte rendu, je me dois de préciser que cette exposition dont je parle, je ne la verrai que samedi prochain, date à laquelle aura lieu son vernissage/finissage. Autrement dit : au moment même où j’écris ce texte, celle-ci n’existe pas et au moment où ce dernier sera publié, celle-ci n’existera plus.
Aussi peut-être que ce texte n’est finalement rien d’autre qu’un ingrédient de ce projet en tant que néo-compte rendu sur une exposition qui à l’heure d’aujourd’hui n’est pas encore montée et que vous aurez eu, j’espère, la chance de pouvoir visiter avant qu’elle ne soit démontée.

* Hot desk / Paris : « Last Chance to see the Show »
Sur une proposition de Christian Alandete (F) et Esther Lu (TW) dans le cadre d’une collaboration entre Manifesta 7 et CuratorLab/Konstfack.
Point Ephémère (Paris)
Samedi 20 septembre 2008


Emma-Charlotte Gobry-Laurencin, septembre 2008

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