mardi 29 juin 2010

NUMBER SEVEN



Romain Boulay, Sans titre, P32, 2010, 178 x 120 cm et

Sans titre, L12, 2010, 190 x 50 x 50 cm

Courtesy de l'artiste


ROMAIN BOULAY


Dans la jeune œuvre de Romain Boulay, les Peintures immatérielles, titre d'une série de tableaux entamée en 2004 et toujours en cours, constituent une charnière. Chaque tableau de cet ensemble est considéré comme un volume, dont tous les constituants - châssis en bois peint, toile translucide vierge, couleurs - sont objets de montage et d'articulations matérielles subtiles, mettant en balance perception optique d'un espace illusionniste et appréhension tactile d'une profondeur réelle. Le tout est soumis, au final (l'œuvre achevée et exposée), à l'action de la lumière ambiante, laquelle, selon son intensité, révèle plus ou moins la couleur appliquée sur le châssis, sous le tissu translucide.

Romain Boulay opère ainsi un déplacement de l'appréhension bidimensionnelle et traditionnelle du tableau vers les trois dimensions, sur un mode distinct du minimalisme. Ce n'est en effet pas vers l'objet que tend sa pratique (même si des œuvres comme A4 et Lignes de 2005 avouent leur dette envers l'approche objective à la Judd de la peinture), mais bien vers une compréhension et une exploration du tableau comme un volume et un lieu qu'habite le regard (les Peintures immatérielles) et, plus récemment, le corps des spectateurs (dans les sculptures-installations et les déploiements architecturaux de son travail).

Dans les tableaux, la toile translucide joue le rôle d'un écran que traverse le regard, appelé à mesurer à tâtons tout ce qui constitue la machine du visible (là où a lieu le travail pictural), au revers de ce qui d'ordinaire se présente comme une surface opaque. Quelque chose de l'ordre d'une contre-projection a lieu, du fait de l'action irradiante de la couleur depuis le verso. On peut songer, face à ces œuvres, aux Light machines des années 1940 de Laszlo Moholy-Nagy, aux tableaux Hyperion des années 1970 de Christian Bonnefoi, ou encore aux tableaux-écrans mis en espace depuis les années 1980 par Cécile Bart.

Des œuvres intermédiaires, comme Jaune Cyan Rouge Orange Violet Vert Double (2005), constituée de sept châssis peints et démunis de toiles, ont annoncé un processus d'actualisation spatiale de la démarche de Romain Boulay. Ce processus a débouché sur une extension architecturale du travail, des rails de métal se substituant aux châssis, des plaques de plâtres (Orange, 2008) ou des panneaux de mélaminé (aujourd'hui à la Galerie Sébastien Ricou à la toile translucide. Quant à la lumière, véhicule de la couleur et de la vision, elle peut désormais se manifester sous la simple forme d'ampoules suspendues (Zein und Seit, 2009), comme ce sera le cas à la Galerie Sébastien Ricou dans l'installation de trois panneaux de mélaminé blancs suspendus. Elle peut aussi demeurer cachée mais présente par son reflet, dans une pièce d'angle en mélaminé, disposée dans l'espace de la galerie telle une cimaise.

Un tableau de la série des Peintures immatérielles, trois panneaux de mélaminé suspendus, disposés légèrement en diagonale par rapport au principal mur de l'espace d'exposition et accompagnés chacun, à leur revers, d'une ampoule elle aussi suspendue, une pièce angulaire de taille humaine dont la tranche ouverte irradie de lumière : ces trois œuvres qu'a conçues Romain Boulay pour son exposition à la Galerie Sébastien Ricou offrent une vision précise du déploiement de son travail, lequel engage à une méditation sur les conditions de production, d'apparition et de perception du visible, dans une lignée phénoménologique que soulignent ses références, dans les titres de ses œuvres, à Heidegger et plus encore à Merleau-Ponty (Le Visible et l'invisible est le titre d'une de ses œuvres les plus remarquables, réalisée pour Le Hub Studio à Nantes en 2009). Dans un contexte plus général, cette démarche prend place auprès des formes les plus sophistiquées de réflexion sur les lieux de la peinture, menées notamment aujourd'hui par des artistes tels Gerwald Rockenschaub, Miquel Mont ou Pieter Vermeersch, où la peinture s'effrange avec d'autres médiums et dimensions (sculpture, architecture, installation) au bénéfice d'une augmentation de l'expérience sensible.


In Romain Boulay’s young work, the series of paintings titled Peintures immaterielles, constitutes a junction. Begun in 2004 and still a work in progress, each of this group of paintings is considered as a volume, of which every component – a painted wooden stretcher, translucent blank canvas, or colours – is an object of assembly and subtle material articulation, weighing against optical perception of an illusionist space and tactical apprehension of a real depth. All of this is eventually (once the piece is finished and exhibited) submitted to the action of ambient light, which, according to its intensity, reveals more or less of the colour applied to the stretcher under the translucent canvas.

Romain Boulay thus shifts two dimensional and traditional apprehensions of painting into three dimensions, in a manner distinct from minimalism. Indeed, his practice tends not to the object (even if pieces such as A4 and Lignes (2005) admit their debt to the Judd-like objective approach of painting), but rather toward a comprehension and exploration of the painting as a volume, a place to inhabit the gaze (the

Peintures immaterielles) and more recently, the viewer’s body (in the sculpture-installations and the architectural deployment of his work).

In the paintings, the translucent canvas functions as a screen for the gaze to cross, the eye called to grope for anything constituting the machine of the visible (where the pictorial work takes place) on the reverse side of what ordinarily presents itself as opaque surface. Something like a counter-projection takes place, caused by the colour radiating from behind. Before these paintings, one may think of Lazlo Moholy-Nagy’s 1940’s Light machines, Christian Bonnefoi’s Hyperion paintings of the 1970’s, or even the screen-paintings set into space by Cécile Bart since the 80’s.

Intermediate pieces like Jaune Cyan Rouge Orange Violet Vert Double (2005), consisting of seven painted stretchers devoid of canvases, announced a process of spatial updating in Romain Boulay’s practice. This process led to an architectural extension of his work, with metal rails substituting stretchers, and plaster plates (Orange, 2008) or melamine plates (as today at Sébastien Ricou Gallery) replacing translucent canvases. The light, vehicle of colour and vision, may from now on manifest itself in the simple form of suspended light bulbs (Zein und Seit, 2009) - as at Sébastien Ricou Gallery in the installation of three suspended white melamine panels. It may also remain hidden but gain presence in its reflection, in a melamine corner piece posited in the gallery space like a cyma.

A painting from the Peintures immaterielles series, three suspended melamine panels positioned at a slight diagonal to the main wall of the exhibition space, each accompanied on the reverse side by a bulb likewise suspended, and an angular man-sized piece whose open side radiates light: these three pieces realised by Romain Boulay for exhibition at Sébastien Ricou Gallery offer a precise view of his work’s deployment, leading to meditation upon the conditions of production, and the appearance and perception of the visible, following the phenomenological tradition he underlines in his titles’ references to Heidegger, and yet more to Merleau-Ponty (Le Visible et l’invisible being the title of one of his most remarkable works, completed for the HUB Studio in Nantes, 2009). In a more general context, this approach may be situated near the most sophisticated forms of reflection about places of painting, notably led today by artists such as Gerwald Rockenschaub, Miquel Mont or Pieter Vermeersch, where painting blends with other mediums and dimensions (sculpture, architecture, installation) to advantage a heightening of sensory experience.


Tristan Trémeau, Mai 2010




Stefan Brüggeman, Number Seven, show title n°128


STEFAN BRÜGGEMANN


1. Stefan Brüggemann est né en 1975, à Mexico City. Il aime faire des listes. En 2000, il commence Show Titles, une liste potentiellement sans fin de titres d’exposition, offerts à la libre disposition de tous. Seul le recours à l’Arial Black en majuscule est requis, ainsi que le nom de Brüggemann dans la liste des artistes et des œuvres montrés. L’exposition « Number Seven », emprunte son titre au 128e Show Title et constitue l’unique participation de Brüggemann à celle-ci.

2. Stefan Brüggemann fait des papiers peints. En 2000, il tapisse les murs d’une galerie d’un papier peint blanc dont le seul motif est le mot « wallpaper », imprimé en Arial black et répété autant de fois que les dimensions du lieu d’exposition le permettent. Le langage cumule ici des fonctions que l’on pensait esthétiquement incompatibles : l’ornemental et l’autoréflexivité.

3. Stefan Brüggemann s’adonne aussi à la peinture. Dans Obliterated Works(Paintings) (2002-2005) – ces dernières affichant dans leur titre même, l’ambiguïté de leur statut de peintures mises entre parenthèses –, il s’en prend à des publicités agrandies, tirées de magazines de mode et donnant à voir des mannequins dénudés ou dans des poses suggestives, qu’il dégrade au marker, ou qu’il occulte en les maculant de cette peinture à l’aluminium que Frank Stella avait consacrée.

4. Stefan Brüggemann produit des néons. Les pièces d’Obliteration (2002-2008) et Series (2006-2008) consistent en néons blancs, roses, violets et bleus qui représentent des gribouillis. Elles matérialisent et éclairent l’impossibilité d’un dire, une crise du sens. Le néon blanc de Make me see (« Fais moi voir ») (2009), nous adresse une supplique désespérée, alors que les traits d’un graffiti noir tendent à oblitérer l’énoncé. Les néons signifiants de Joseph Kosuth, soumis aux griffonnages ou aux désinvoltes graffitis, ne sont plus lisibles.

5. Stefan Brüggemann se déclare « twisted conceptual pop ». Son œuvre ouvre en effet, un nouvel épisode des rapports entre les esthétiques conceptuelle et pop. Avec elle, le concept semble s’énoncer dans les travées des supermarchés de Warhol. Tantôt le pop tord le concept, tantôt le concept tord le pop.

6. Stefan Brüggemann est, à vrai dire, un nihiliste. Il ne croit à rien. Les Nothing BoxesText Pieces s’attachent aussi à célébrer ce rien : (No conception) (2007) − rien n’est fixé, décidé −, (No content)(Nothing) (2006) − aucun contenu, la vacance, rien, c’est rien −, (Delete) l’attestent. De banales boîtes en carton, seules ou empilées, sur lesquelles l’artiste, proclamant leur vacuité, a inscrit le mot « nothing ». Les (2004), (2004) − s’il y a quelque chose, il faut le détruire pour qu’il n’y ait plus rien.

7. Stefan Brüggemann retourne depuis 2008 les miroirs contre les murs (Reversed Mirrors), pour vous interdire de vous y contempler. En somme, il vous donne sept raisons d’aimer son travail – ou de le haïr.


1. Stefan Brüggemann was born in 1975 in Mexico City. He likes to make lists. In 2000, he began Show Titles, a potentially endless list of exhibition titles, universally available at no cost. In both the artist’s list and the list of works the sole requirements are black capital letters in Arial font, and Stefan Bruggeman’s name. The exhibition “Number Seven” borrows its title from the 128thShow Title and constitutes Brüggemann’s only participation here.

2. Stefan Brüggemann makes wallpaper. In 2000, he papered a gallery wall with white wall paper whose only ornament consisted of the word ‘wall paper’, printed in Arial black font and repeated as many times as the dimensions of the exhibition space would allow. Language combines aesthetically incompatible functions here: decoration meeting with auto-reflexivity.

3. Stefan Brüggemann also devotes himself to painting. In Obliterated Works (2002-2008) and (Paintings) (2002-2005) - the latter displaying the ambiguity of their status as painting bracketed in their very titles - he pitches into large-scale advertisement, taken from fashion magazines, showing naked or suggestively posed models, which he damages using a felt-tip pen, or obscures by spattering them in the aluminium painting that Frank Stella had consecrated.

4. Stefan Brüggemann produces neon lights. The pieces belonging to Obliteration Series’ (2006-2008) consist of white, pink, purple and blue neon lights representing scrabbles. They materialize and illuminate the impossibility of spoken expression, a crisis of signification. The white neon light of Make me see (2009) addresses us in a desperate plea, whereas the strokes of black graffiti tend to obliterate the statement. Joseph Kosuth’s significant neon light, here submitted to scribbles and off-hand graffiti, are no longer legible.

5. Stefan Brüggemann declares himself “twisted conceptual pop”. Indeed, his work introduces a new episode of the relationship between pop and conceptual aesthetics. Here the concept seems to expound itself into the rows of a Warholian supermarket. At times we see pop twisting concept, at others we see concept twisting pop.

6. Stefan Brüggemann is, truth be told, a nihilist. He does not believe in anything. The Nothing Boxes bear witness to this. Trivial cardboard boxes are found alone or piled up, the artist having proclaimed their vacuity in inscribing them with the word “nothing”. The Text Pieces endeavour to celebrate this nothingness: (No conception) (2007) − nothing is fixed or decided on −, (No content) (2004), (Nothing)(Delete) (2006) − no content, vacuity, nothing, it is nothing −, (2004) − if there is anything, it must be destroyed, so that nothing remains.

7. Stefan Brüggemann has turned mirrors against walls since 2008 (Reversed Mirrors), in order to forbid you from contemplating yourself. Altogether he gives you seven reasons to either like his work, or hate it.


Marjolaine Lévy, Mai 2010







John Cornu, Sans titre, 2010, vin rouge, dimensions variables et
Elements pour une architecture nouvelle, 2010, techniques mixtes, dimensions variables,
Courtesy de l'artiste et
Galerie Sebastien Ricou




JOHN CORNU


L’œuvre élaborée par John Cornu fait référence aux matériaux de l’art minimal et conceptuel de manière explicite, entre autres, par les néons, les étagères ou les éléments tubulaires. Il utilise le potentiel d’assemblage de ces éléments pour les déployer dans l’espace sur un mode relevant de la prolifération organique, créant donc une contradiction apparente avec l’univers dont ces formes sont issues. Par ce développement à la fois rhizomique et viral, il explore un ensemble de situations qui proposent, selon ses propres termes, des « dégradés » d’œuvres in situ à des oeuvres situées (en relation à un contexte sans en être déduites). Il s’agit des premières inflexions inoculées à un système de références et un vocabulaire où il ne semblait jusque-là ne s’accorder que peu d’écarts. Ces brèches génèrent des amorces narratives ou une dimension onirique qui ajoutent une stratification supplémentaire à la densité des pièces. D’autres œuvres rejouent l’attention portée aux matériaux et aux espaces, en proposant au visiteur d’entendre l’incandescence ultime d’un néon. Des micros sont placés contre, tout contre le tube lumineux, prêts à rendre audible le chant du cygne de ce matériau identifié à l’art conceptuel. À l’instar de ses photographies de pluie, il semble que pour ces travaux, l’artiste soit à la recherche, quel que soit le support, de ce que Roland Barthes a désigné comme punctum pour la photographie (la saisie sur le vif ce qui fut et par conséquent, la représentation de ce qui est désormais absent).

À propos de ce concept de fin, les travaux les plus récents de John Cornu révèlent une évolution sensible et proposent des simulacres de destruction, une fin mise en scène. Pour cette exposition, il présente des tasseaux de bois appuyés à intervalles réguliers contre le mur. Comme calcinés et rognés par endroits, ces éléments ont en fait été poncés jusqu’à ce que les nœuds du bois fassent obstacle au rabotage, puis ils ont été peints en noir et patinés. C’est sans doute parce qu’ils ont été ramenés à leur substantifique moelle que l’artiste les définit comme des objets de peinture. En revanche, leur disposition soigneusement réglée suggère davantage des objets rituels. Non loin de là, gisent au sol des poutrelles de béton morcelées qui exhibent leurs fers, comme un écorché révèle ses artères et ses veines. À la manière de mouches se précipitant sur une charogne, une multitude de billes aimantées se sont agglutinées sur les fers. Là encore, ces reliques sont sublimées par la patine qui recouvre le béton et le transforme en une masse noire noueuse. Même si ces œuvres sont bien entendu conçues et présentées en relation à l’environnement -comme tout artiste s’intéressant au contexte de l’exposition dans lequel il intervient- John Cornu semble prendre plus de liberté dans ses dernières productions. Ces vestiges semblent moins une référence à un quelconque romantisme que la possibilité ouverte de brouiller les pistes, d’en finir avec un certain nombre de formes et de matériaux. Ainsi, s’il cite régulièrement cette formule de Mallarmé « La destruction fut ma Beatrix », c’est peut-être pour indiquer qu’une nouvelle phase de son travail est en germination. La dernière œuvre produite pour l’exposition en esquisse éventuellement l’orientation. Il s’agit d’un dessin aborigène reproduit au vin et à la gomme, cette dernière faisant apparaître les motifs en réserve. L’alcool étant devenu une des principales causes de mortalité des peuplades primitives d’Australie, le message est délivré par le liquide coupable, par une matériologie et une justesse si caractéristiques de la pensée de John Cornu.


The art work put together by John Cornu refers to minimal and conceptual art materials in an explicit manner using, among other things, neon lights, shelves or tubular elements. He uses the assembly potential of those elements to arrange them in space using a mode related to organic proliferation, thus creating a visible contradiction with the worlds from which those forms originate. By this development, both rhizomic and viral, he explores an ensemble of situations that, according to the artist, offer “gradations” from pieces in situ to situated pieces (related to a context, without being derived from it). It consists of initial inflections imbuing a reference system and a vocabulary, which, up until now, seemed to admit but few differences. These breaches generate narrative beginnings or oneiric dimensions that add an extra stratification to the density of the pieces. Other pieces re-enact the attention to material and space, by offering the viewer the chance the ultimate glow of a neon light. Microphones are positioned close up against the luminous neon; ready to make audible this material blaze of glory identified with conceptual art. In the manner of his rain photographs, it seems that for these works, whatever the medium, the artist is on the lookout for what Roland Barthes described as punctum for photography (the instantaneous capture of what has been, and consequently of what remains absent).

On the subject of this conceptual goal, the most recent works of John Cornu reveal an appreciable evolution and propose simulacra of destruction, an orchestrated ending. For this exhibition, he presents pieces of wood leaning against the wall at regular intervals. As if charred and trimmed in some places, these elements have actually been sanded until the knots stand in the way of planing, then painted in black and patinated. It is doubtless because they have been stripped back to their bare bones that the artist defines them as painterly objects. On the other hand, their meticulously designed arrangement rather suggests ritual objects. Close by, pieces of broken concrete beams lie on the floor displaying their iron bars, like the arteries and veins of a flayed beast. Like flies attracted to carrion, a multitude of magnetic balls have clustered together on the iron bars. Here again, these relics are sublimated by the patina covering the concrete and transforming it into a gnarled black mass. Even though his work is understood to be conceived and presented in relation to its environment – like any artist interested in the context of the space in which he exhibits – John Cornu seems to take more liberties in his latest productions. These remains appear to be less a reference to any romanticism that the open possibilities to cover his tracks, to have done with a certain number of forms and materials. Thus, if he regularly quotes Mallarmé’s expression “Destruction is my Beatrix”, it probably indicates that a new phase of his work is in germination. The last piece produced for the exhibition possibly outlines his direction. It consists of an Aborigine drawing reproduced using wine and an eraser, the latter revealing the hidden designs. Alcohol having become one of the main causes of mortality amongst Australian Aborigines, the message is delivered by the guilty liquid, using a materiology and an accuracy so characteristic of John Cornu’s ideas.


Marie-Cécile Burnichon, Mai 2010




Stéphane Dafflon, AST105, AST106,AST111, 2008, acrylique sur toile, 60 x 60 cm
PM055, 2010, peinture murale acrylique, dimensions variables
Courtesy de l'artiste et Air de Paris, Paris





STÉPHANE DAFFLON


Stéphane Dafflon (né en Suisse, en 1972) élabore les formes qui composent ses toiles, objets et peintures murales à l’aide de logiciels conçus pour le design industriel et le graphisme. Largement utilisé par les artistes de nos jours, l’outil informatique ne constitue néanmoins pas le centre du travail de Stéphane Dafflon, préférant l’envisager comme simple carnet de croquis, interface idoine de manipulation d’une image. De cette création « assistée par ordinateur » émerge une pratique de l’art décomplexée et libre, amalgamant high et low, modernité et culture visuelle contemporaine.

Se situant dans la filiation de l’art concret, de l'art construit, des constructivistes du 20e siècle, Stéphane Dafflon semble en formuler un possible prolongement contemporain. On y observe toujours les principes d’une composition programmée, du primat du plan et de la couleur, l’exclusion de la métaphore et l’impératif de clarté, mais aussi désormais, un affranchissement des contraintes du châssis (à savoir un déploiement de la peinture dans l’espace réel) et des formes ouvertes à d’autres champs culturels ou sub-culturels. S’il n’est pas rare de reconnaître dans les œuvres de Dafflon des emblèmes génériques du modernisme, mais ils apparaissent comme altérés, comme si un agent extérieur avait recomposé leur métabolisme. Ces motifs historicisés regagnent une plasticité et une dynamique nouvelles, manipulés puis projetés sur diverses surfaces (la toile mais aussi le mur et le sol).

Anamorphoses, hybridation, peinture courant sur les murs et couleurs vives, son art s’emploie à matérialiser des formes d’une grande immédiateté et des stratégies opérantes d’occupation de l’espace. En traitant à égalité les différents champs qui irriguent son travail, c’est-à-dire en dé-hiérarchisant art et productions culturelles dans un large spectre, Dafflon opère la grande synthèse de l’art et de l’industrie, un syncrétisme réfractaire à tout dogme. Ses formes sont le produit d’un savant détournement des formes historiques de l’abstraction, mais ne confinant jamais à une pure pratique citationnelle ou référentielle, un art de la reprise qui ne ferait non pas du recyclage une fin mais bien le début d’un processus. Déjà actée, la fin de l’autonomie de la peinture prend, chez Dafflon, des airs de fête.

Si l’artiste puise largement dans le répertoire de formes laissées libres par le modernisme, il choisit d’en altérer légèrement les contours, de les basculer dans l’espace, de les peindre de couleurs franches et vives. Formes intermédiaires entre le carré et le cercle, cercles tirant sur l’ovale, lignes effilées, ces formes hybrides composent une nouvelle grammaire, qui alliée à une grande précision dans l’exécution produit une peinture élégante, de facture lisse, sans accident.

Présentées ici, les trois toiles (AST105, AST106, AST111, 2008) s’inscrivent dans la mouvance d’un art optico-cinétique, à la manière de peintures de Bridget Riley branchées sur courant alternatif. Elles viennent aussi éclairer le commerce que peut entretenir l’art de Stéphane Dafflon avec la musique, l’espace pictural transcrivant la scansion d’un tempo rapide. Les toiles striées de lignes étirées en pointe mettent en avant les qualités optiques de l’art de Stéphane Dafflon : un art rétinien, sollicitant fortement le spectateur. Disposées en série, les trois toiles peuvent apparaître comme trois segments prélevés d’une même séquence, composition évolutive aux accents chromatiques changeants.

Comme échappées des peintures voisines, les quatre lignes de couleurs décrivant les angles des murs et du sol nécessitent un changement de régime focal de la part du dérèglement de la muséographie attendue spectateur, désormais face à un déploiement, qui, aussi subtil soit-il, le submerge. Ce basculement d’échelle et de support est souvent chez l’artiste l’occasion d’un dérèglement des espaces d’exposition, et celle d’une expérience panoptique, la peinture courant dans tous les sens sur les murs. On y voit des formes malléables, capables de se fondre dans les espaces les moins attendus (angles, bords de murs).

Relecture toute en souplesse d’un héritage et questionnement sur la valeur d’usage de la peinture, l’art de Stéphane Dafflon est bien celui d’une abstraction dans le champs étendu.


Stéphane Dafflon (born 1972 in design. Though widely used by today’s artists, the computer is not however central to Stéphane Dafflon’s work, who prefers to think of it as a simple sketchbook, the appropriate interface for image manipulation. This computer-assisted creation gives rise to free, de-complexified artistic practice: an amalgamation of high and low, modern and contemporary visual culture. Neyruz, Switzerland) designs the patterns composing his paintings, objects and wall paintings with the aid of software made for industrial and graphic

Situating himself in line with concrete art, constructed art and the 20th century constructivists, Stéphane Dafflon appears to formulate a possible contemporary continuation. We recognize principles of programmed composition, primacy of surface and colour, exclusion of metaphor and fundamental clarity, but from now on also escape from the canvas’s constraints (the deployment of the painting in the real world) and forms open to other cultural or sub-cultural fields. And if we often find generic symbols of modernism in Dafflon’s works, they are in some way altered, as if an external agent had recomposed their metabolism. Historicized motifs regain a new plasticity and dynamic, manipulated, then projected onto diverse surfaces (the canvas, the wall or the ground).

In its anamorphism, hybridization, paint running over walls, and bright colours, his art applies itself to the materialization of highly immediate forms and operative strategies for occupying space. Through equal treatment of the different fields nourishing his work- in rearrangement of hierarchy in art and a large spectrum of cultural productions- Dafflon brings about the great synthesis of art and industry, a syncretism impervious to any dogma. His forms are the product of a knowing distortion of historic forms of modernity, while never being confined to pure practice of citation or reference, an art of sampling using recycling as the beginning rather than end of a process. Already declared, the end of painting’s autonomy, in Dafflon’s work, assumes festive airs.

If the artist draws largely from the repertory of forms left free by modernism, he chooses to slightly alter their contours, toppling them in space and painting them with vivid colours. Intermediate forms between square and circle, circles straining towards ovals, thinned lines: these hybrids forms compose a new grammar, producing elegant and smooth painting, free of accident when combined with great precision in execution.

Presented here, the three paintings (AST105, AST106, AST111, 2008) show likeness to Op art, as if Bridget Riley’s paintings were connected on alternating current. They also shed light on Dafflon’s relationship with music, the pictorial surface seeming to transcribe the scansion of fast tempo. The canvases streaked with thin lines privilege the optical qualities of Stéphane Dafflon’s art: a pure visuality, strongly soliciting the viewer. Displayed in series, the three paintings can also appear as three segments of the same sequence, an evolving composition in changing chromatic tones.

As if they had escaped from the surrounding paintings, the four coloured lines outlining the angles of the wall and the floor require a change of focus from the viewer, now facing a subtle but overwhelming process of spreading. This shake-up of scale and surface is often the occasion for the artist to disrupt the expected organization of the exhibition space, and the opportunity for panoramic experience, the painting running in all directions over the walls. We observe malleable forms, capable of blending into the most unlikely places (corners, and edges of walls).

In its flexible re-reading of tradition, and investigation into the use of painting, Stéphane Dafflon’s work is one of abstraction in an extensive field.


Mathieu Loctin, Mai 2010




Vincent Ganivet, Roue, 37 parpaings, 1 m 60, 2010, bois et parpaings, 160 cm de diamètre, courtesy de l'artiste




VINCENT GANIVET


Chantier protocolaire

La visite du site internet de Vincent Ganivet se révèle très instructive sur sa pratique artistique. Ces travaux – ce terme est ici, pour une fois, tout aussi légitime que celui d’œuvre, sont en effet classés selon des catégories qui évoquent davantage une entreprise de BTP qu’une démarche créatrice. Ainsi s’y succèdent les rubriques « constructions », « démolition », « plomberie », « décoration », « outillage » … Ses sculptures en parpaings, ses concrétions de bétons qui s’animent comme sous l’effet d’une pelleteuse, les dégâts des eaux qu’il aime provoquer ou encore ses mandalas constitués de poussière prélevée lors des montages d’exposition évoquent un univers artisanal et une esthétique fait-main que l’on pourrait qualifier « de chantier ». Nous serions tentés de faire ici référence au mouvement Arts & Crafts, qui cherchait, en pleine période victorienne, à fusionner l’art et l’artisanat, à réhumaniser ainsi une production marquée par les impératifs de l’industrialisation triomphante. Cependant, si le geste tient une place essentielle dans ses œuvres, il renvoie moins à une quête de virtuosité ou de préciosité qu’à un besoin de faire pragmatique.

Introduire le travail de Vincent Ganivet par le biais de la culture 2.0 relève de la gageure, tant il est fondamentalement imprégné par une pratique d’atelier. Comme un scientifique dans son laboratoire, mais de manière plus empirique, il y multiplie les expériences sur les matériaux, leurs propriétés et leurs effets plastiques, sur les systèmes de constructions, jusqu’à aboutir au test concluant qui lui permettra de définir les conditions générales selon lesquelles devra s’effectuer la réalisation de l’œuvre. Le protocole devient ainsi l’instrument d’un geste et d’une expérience, d’un plaisir exutoire, chaque fois renouvelés. Il sert également de mode d’emploi à une construction potentiellement réalisable par d’autres mains que celles de l’artiste. Sous la poussière et les amas concrets de parpaings se tapit insidieusement le spectre de démarches plus conceptuelles.

Il paraît cependant difficile de tracer une quelconque filiation entre l’art conceptuel et le travail de Vincent Ganivet. Son intervention dans la production de l’œuvre reste en effet prépondérante. Ses constructions en parpaings vernaculaires, en forme de roue ou d’arche, sont en cela représentatives. Bien que relevant d’un procédé sophistiqué, elles évoquent des sculptures primitives dont l’équilibre miraculeux semble pouvoir se rompre à chaque instant, laissant ainsi planer sur l’œuvre une aura catastrophique. Une certaine mélancolie se dégage de ces formes solitaires fonctionnant à vide, sans autre discours apparent que leur propre physicalité.


Construction protocol

A visit to Vincent Ganivet’s website sheds much light upon his artistic practice. These works- this term, for once, being just as legitimate as that of “the work”, are effectively classed according to categories more evocative of a public construction company than a creative process. This is how the headings: “construction”, “demolition”, “plumbing”, “decoration”, “tools”... succeed one another there. His breeze-block sculptures, his solidified concrete forms that come to life as if dug up mechanically, the water damage he likes to bring about, or again his mandalas- made up of the dust gathered while mounting exhibitions; evoke an artisanal universe and a handmade aesthetic that could qualify as that of the construction site. We would be very tempted to make reference to the Arts & Crafts movement here, which attempted, at the height of the Victorian age, to fuse art with the craft industry in order to re-humanize a production method marked by the demands of triumphant industrialisation. However, if the gesture is central to his works, it is less to do with a quest for virtuosity or artistic refinement than with a need for practical fabrication.

So impregnated by workshop practice, it is nigh on impossible to introduce Vincent Ganivet’s work through web culture 2.0. Rather like a scientist in his laboratory, only with a more empirical method, he performs multiple experiments on the materials (their properties and their artistic effects) and construction systems, until arriving at a conclusive test allowing him to define the general conditions by which the production of the work should be governed. The protocol thereby becomes the instrument of gesture and experience, of an emancipative pleasure, renewed each time. It is equally a question of guidelines, or steps to be followed, for a construction that can potentially be effected by other hands than those of the artist. Beneath the dust and concrete masses of breeze-blocks lies the hidden spectre of more conceptual approaches.

It nevertheless seems difficult to trace such a relationship between conceptual art and Vincent Ganivet’s work. Indeed, the artist’s intervention in the production of the work remains paramount. This is indicated in his characteristic breeze-block constructions, in the form of wheels or arches. In spite of their origins in a sophisticated process, they evoke primitive sculptures in which the miraculous balance appears at risk of breaking at any moment, leaving an air of catastrophe hanging over the work. A certain melancholy emerges from these solitary forms running on empty, lacking any apparent discourse besides their own physicality.


Raphaël Brunel, Mai 2010




Stef Heidhues, Untitled (composition 2), 2007, encre de chine sur papier, 21 x 29,7 cm, Courtesy de l'artiste




STEF HEIDHUES


Si l’axiome historique du collage consiste bien en une extraction de plusieurs réalités hors de leur contexte d’origine afin de ne créer qu’une réalité choisie et assumée, les collages comme la démarche globale de Stef Heidhues, s’inscrivent donc habilement dans cette continuité tout en y imposant leur propre spécificité.

L’art de Stef Heidhues (née à Washington D.C en 1975, vit et travaille à Berlin) se nourrit de réalités aussi matériellement diverses qu’éloignées chronologiquement. Sa démarche repose souvent sur une esthétique constructiviste (on pense à Vladimir Tatline, El Lissitzky ou encore Theo Van Doesburg) laquelle se voit dénaturée et recontextualisée par les matériaux lui permettant de prendre forme. Plus proche du bricolage que du rationalisme progressiste de l’art constructif, elle accorde un intérêt sensible au choix des matériaux et aux résultats plastiques induit par leur combinaison. De ses expérimentations formelles et matérielles, l’artiste parvient à un possible équilibre entre des éléments antagonistes : le géométrique se lie à l’informe, le mou s’accorde au dur, les objets bruts s’associent aux objets industrialisés. Par ces subtils équilibrages, Stef Heidhues conçoit un univers parallèle et irrationnel brouillant nos habitudes sans intention agressive.

Ses collages prennent forme à partir d’images tirées de la presse féminine glamour, sur lesquelles posent des mannequins vêtues à la dernière mode. L’artiste ajoute à ces images des formes peintes, soit géométriques, soit informelles. Elle se sert parfois de pochoirs laissant place au hasard dans la composition. Dans certains collages, le sujet d’origine se trouve complètement annihilé, oblitéré. Et si quelques fragments d’image émergent malgré tout de la surface peinte, ces résidus rendent vaines toutes tentatives d’identification. Certains collages admettent cependant une utilisation du sujet original. Mais ce dernier se voit altéré par l’artiste qui n’en conserve que certaines parties, soit parce qu’elle juge les autres inutiles, soit parce qu’au contraire les parties à cacher ou a remplacer sont les plus significatives. Il ressort de ce parti pris un déni partiel de l’image, quand celle-ci impose un modèle social et esthétique, au profit d’une composition ramenant l’image (peinte et photographique) à ce qu’elle peut contenir de plus affranchie et d’indépendant. Établissant un dialogue entre les matériaux et les formes, Stef Heidhues réalise dans ses collages un univers émancipé et autonome assorti d’une ambiguïté latente.

La série de dessins intitulés Sans titre révèle picturalement et sans équivoque cet héritage de l’art constructif des années 1920. Ces dessins présentent des plans axonométriques de potentielles architectures évoquant fortement les plans des artistes néo-plasticistes du groupe De Stijl. Mais si ces artistes considéraient leurs œuvres comme des travaux préparatoires destinés à nourrir d’autres recherches et d’autres activités, concédant ainsi une certaine utilité et une fonctionnalité à leur dessein, Sans titre ne contient aucune finalité utilitaire. Adoptant le format axonométrique et les codes de l’épure d’architecte, les motifs géométriques dessinent une structure qui ne concrétise rien. Les dessins n’ont d’architectural que la géométrie ; la composition et l’amoncellement des motifs sont bien ceux d’un dessin abstrait en deux dimensions, mais rien n’est envisageable dans la troisième. La complexité et la multiplicité des axes récusent tout achèvement des constructions, en témoigne les nombreux traits au crayon s’étendant dans l’espace et hors de cadre : ceux-ci renvoient à un processus infini qui ne saurait se limiter à l’espace de la feuille. Pouvant se comprendre comme work in progress, Sans titre est une suite d’édifications en suspens où la continuité et l’expérimentation formelle priment sur la finitude.

À travers ses conceptions hétérodoxes, Stef Heidhues nous dirige dans une zone sensible activant l’imagination et la rêverie : une dimension vaguement onirique se dessine, rejetant néanmoins toute divagation superflue.


Given the historical axiom defining collage as the extraction of multiple realities from their original contexts in order to create a new and assumed one, Stef Heidhues’s collages fit knowingly, on the whole, into this continuity, all the while imposing their own specificity.

Stef Heidhues’s art (born in Washington D.C in 1975, lives and works in Berlin) is nourished of references as diverse materially as they are spread-out chronologically. Her approach is often grounded in the aesthetic of the European Constructivists (one thinks of Vladimir Tatline, El Lissitsky or Theo Van Doesburg) seeing itself denatured and recontextualized by the materials allowing it to take form. Closer to DIY assembly than the progressive rationalism of constructive art, she pays significant attention to the selection of materials and the plastic effects brought about by their combination. From these experiments in form and media, the artist achieves a possible balance between antagonistic elements: the geometric linked to the informal, the yielding to the hard, raw objects associated with industrial ones. Through these subtle balances,

Stef Heidhues conceives of a parallel and irrational world, blurring our habits without aggressive intention.

Her collages are made up of images taken from female glamour magazines, with their fashionably-clothed, posing models. The artist adds either geometric or formal painted shapes to them, sometimes using stencil to leave room for chance in the composition. In certain collages, the original subject is completely annihilated, obliterated. And if any fragments of the picture still emerge from the painted surface, all attempts at identification through such remnants are in vain. Some collages nevertheless show use of the original subject. But it sees itself altered by the artist who only conserves some of its parts, either because the others are judged useless, or conversely because the parts to be erased or hidden carry greatest significance. This bias results in partial denial of the image, as regards its imposition of a social and aesthetic model, in favour of a composition restoring the (painted and photographed) image’s most free and independent contents. By establishing dialogue between media and form, she constructs an emancipated and autonomous space accompanied by latent ambiguity.

The series of drawings Untitled strongly evocative of the plans and drawings of De Stijl’s group of Neoplasticists. But if these artists considered their works as preliminary sketches designed to foster other research and activity, therefore acknowledging a certain useful and functional aim, Untitled contains no such utilitarian intention. Borrowing the axonometric format and working drawing codes, the geometric patterns produce a meaningless structure. The drawings are only architectural in their geometry; the composition and the accumulation of motifs might be abstract drawing in two dimensions, nothing is conceivable in the third. The complexity and multiplicity of axes refuse any achievement as construction, as the numerous pencil lines spreading in space and outside of the frame certify: they refer to an infinite process with no concern for limited sheet space. Understood as work in progress, Untitled is a succession of suspended constructions where continuity and formal experimentation prevail over finitude. pictorially and unequivocally reveals the heritage of 1920’s Constructivist art. They consist of axonometric plans of potential architectures

Through heterodox combinations, Stef Heidhues guides us in a sensitive zone by activating imagination and reverie: a vaguely dream-like dimension appears, nonetheless rejecting superfluous rambling.


Benoît Lamy de la Chapelle, Mai 2010





Carole Rivalin, Zig Zag, 2010, deux murs courbes en médium peint en blanc,
150 x 400 x 27cm et 150 x 350 x 27 cm, Courtesy de l'artiste.



CAROLE RIVALIN

Depuis le début des années 2000, Carole Rivalin accumule les dessins, au crayon à papier, au stylo bic, au crayon de couleur ou encore numériques, imprimés au traceur à jet d'encre. Tous ont en commun d'être une succession de lignes juxtaposées, all over. La ligne comme une rayure, un rayon, un flux, une direction. La ligne qui oscille entre répétition et accident, expérience et projection mentale, pour finalement pointer le passage d'une dimension à une autre (le plan, la surface, le volume et l'épaisseur picturale) et stimuler des envies d'émancipation.

Assez naturellement donc, sculptures et installations accompagnent très tôt les recherches graphiques de l'artiste. Combinant monumentalité et légèreté, jeux contextuels et point d'équilibre autonome, les volumes de Carole Rivalin conservent cependant le principe linéaire comme dimension fondamentale. En 2005, l'artiste présente à La Vitrine trois grands modules verticaux, ajourés de fines incises horizontales régulières, dépliés comme des cloisons fragiles. La ligne prend ici corps en creux et plein pour faire circuler le regard, jouer en pointillé avec la lumière, et s'immiscer dans l'architecture, dont elle devient une forme d'émanation, chromatique et structurale.

Pour la Galerie Sébastien Ricou, Carole Rivalin continue de travailler la ligne comme forme de sédimentation: deux sculptures en zig-zag, parois courbes qui se fondent en surimpression avec la blancheur des murs, viennent en perturber la perception. Installés aux angles de l'espace d'exposition, ils adoucissent l'orthogonalité du volume, tout en plissant ses parois lisses jusqu'à mi-hauteur. Les surfaces vacillent au rythme des ombres portées, l'architecture gagne en épaisseur en même temps qu'elle s'allège façon feuille de papier.

Pour compléter sa proposition, l'artiste propose un ensemble de dessins au bic, variation colorée déjouant tout sens de lecture, pour que la ligne continue définitivement d'échapper à la règle.


Carole Rivalin has been accumulating drawings since the beginning of 2000: pencil drawings, biro drawings, coloured pencil drawings and even digital drawings printed with inkjet tracer. All of them have in common a succession of juxtaposed lines, all over: line as stripe, ray, flux or direction. Line that oscillates between repetition and accident, experience and mental projection, finally pointing out the passage from one dimension to another (plane, surface, volume or image thickness) and stimulating desire for emancipation.

Quite naturally, sculpture and installation make an early appearance in the artist’s graphic research. Combining monumentality and lightness, contextual tricks and autonomous states of equilibrium, Carole Rivalin’s volumes nevertheless maintain the linear principle as a fundamental dimension. In 2005, the artist presented three large vertical modules at La Vitrine, pierced with fine, regular horizontal incisions, and unfolded like fragile dividing screens. Here the line takes form in hollows and plenitudes in order to activate a circular gaze, play with dotted light, and interfere with the architecture, of which it becomes a form of chromatic and structural emanation.

At Sébastien Ricou Gallery, Carole Rivalin continues her work on line as a form of sedimentation: two zigzag sculptures, curved partitions that blend into the whiteness of the walls in their superimposition, come to disrupt perception. Installed in the corners of the exhibition space, they ease its perpendicularity while pleating its smooth partitions at mid-height. Surfaces flicker to the rhythm of projected shadows and architecture gains thickness at the same time as it lightens like a sheet of paper.

To complete her proposition, the artist exhibits a set of biro drawings, coloured variation eluding all analysis, in order that the line may continually escape the rule.


Eva Prouteau, Mai 2010





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